La politique migratoire du Maroc : opportunités et freins
Conseil des Migrants Subsahariens au Maroc (CMSM)
2014-2018
14 novembre 2021
En 2013, sur les hautes instructions de sa Majesté le Roi Mohammed VI, le Maroc a mis en place une nouvelle politique migratoire suivant une approche humanitaire conforme aux engagements internationaux du Maroc et respectueuse des droits des immigrés suite aux pertinentes recommandations du Conseil National des droits de l’homme (CNDH) dans son rapport thématique intitulé « Etrangers et droits de l’homme au Maroc pour une politique d’asile et d’immigration radicalement nouvelle »
Cette nouvelle réforme politique a déclenché les deux phases de l’opération de régularisation des migrants en situation irrégulière au Maroc de 2014 et 2017 qui ont été accueillies avec satisfaction par l’ensemble de la classe politique marocaine, la société civile marocaine, la communauté internationale et la communauté migrante du Maroc et ont donné ainsi un espoir à cette communauté migrante pour son insertion au sein de la société marocaine.
La mise en œuvre par le gouvernement en 2014 de la stratégie nationale d’immigration et d’asile (SNIA), est venue renforcer cette politique migratoire avec ses différents axes et composantes qui devraient permettre une intégration réussie de cette classe de la population au sein de leur société d’accueil.
Force est de constater que depuis le mois d’août 2018, les choses semblent prendre une autre tournure. Les migrants assistent à une réalité autre que celle énoncée dans les textes réglementant les nouvelles réformes en vigueur et craignent encore de vivre les situations d’avant 2013.
Ainsi donc, depuis cette date les migrants sont de nouveau victimes de plusieurs arrestations brutales et musclées de la part des agents de force de l’ordre, des déplacements forcés vers le sud et centre du Royaume, des refoulements pour certains vers leurs pays d’origine, des enfermements et détentions illicites pour d’autres dans des conditions inhumaines sans respect des droits humains et sans distinction de sexes ou d’âge : Hommes, femmes, mineurs et enfants en situation régulière ou non, occasionnant dans certains cas la mort de pauvres migrants sans défense.
Ces arrestations qui ont commencé dans la région orientale du Royaume à savoir : Nador et Oujda visaient les campements des migrants dans les forêts du nord dans le cadre de l’opération zéro migrant dans ces forêts pour lutter contre l’immigration clandestine et la traque des passeurs qui favorisaient la traite des êtres humains dans le but de sauvegarder l’intégrité du Maroc.
Malheureusement, cette situation s’est généralisée dans les centres villes du Maroc tels que Tanger, Rabat, Casablanca, Agadir et consort mettant en mal les migrants qui y vivent paisiblement avec l’espoir de se reconstruire d’avantage dans leur pays d’accueil.
Nous constatons par ces faits, la mise en cause de la loi 02-03 réglementant l’entrée et le séjour des étrangers au Maroc qui est toujours en vigueur à ce jour alors que le Maroc considéré comme exemple a abrité différentes rencontres internationales relatives aux droits de l’homme notamment : le Forum Mondial sur les droits de l’homme de 2016, le Forum Mondial Migration et Développement de 2018 au cours duquel a été adopté le pacte mondial pour les migrations sures, régulières et ordonnées.
Au regard de cette situation, plusieurs organisations et associations de la société civile marocaine, déplorent cette tournure des choses qui risque de compromettre l’élan amorcé par le Maroc dans la mise en œuvre de cette nouvelle politique migratoire qui a fait de lui le géant de la question en Afrique.
Demandent pour ce faire :
- La refonte de la loi 02-03 en vigueur ;
- L’activation de la mise en œuvre de la loi sur l’immigration et l’asile en chantier pour amener un vent nouveau à la résolution de cette question migratoire, socle de la diversité culturelle et du vivre ensemble ;
- L’activation de l’exécution du programme de couverture médicale RAMED au profit des migrants dans le cadre de la stratégie nationale d’immigration et d’asile ;
- La simplification des procédures de délivrance et de renouvellement des cartes de séjour des migrants dues aux exigences de présentation de contrats de bail, contrats de travail, attestations de travail, CNSS, attestations d’hébergement, bulletins de paie, relevés bancaires…
Développer une approche sur : - La fin de l’impunité de fait dans les cas de violences, agressions et actes de vandalisme dont sont victimes les migrants sans défense ;
- Une action pour réduire les difficultés du recours à la justice suite à la barrière de la langue et le manque d’assistance des avocats ;
- Une action sur les licenciements abusifs et sans préavis de la plupart des migrants qui prestent dans les centres d’appel à travers le Royaume, des travailleurs-euses domestiques et ceux de l’informel (Bâtiment, artisanat…).
Le déroulement des opérations de régularisation de 2014 à 2017
L’opération s’est déroulée de la manière suivante :
- Mise en place d’un comité ad-oc pour l’élaboration de critères de régularisation ;
- Formation des agents locaux pour les 81 bureaux des étrangers à travers le Royaume ;
- Circulaire régissant l’opération de régularisation ;
- Les critères de régularisation ;
- Dépôt de dossiers de demandes par les migrants dans les différents bureaux des étrangers et préfectures ;
- Durée de traitement des dossiers (maximum deux mois) ;
- Commission nationale de recours.
Statistiques
Les deux phases de l’opération de régularisation ont donné les résultats suivant :
- Première phase : 2014 – 2015 : - Demandes déposées : 27.130 demandes
Demandes régularisées : 23.096 soit 83,5
116 nationalités
-* Répartition :
Rabat- Salé- Kenitra : 7.853 demandes soit 34% ;
Casablanca - Settat : 5.774 demandes soit 25% ;
Oriental : 2.310 demandes soit 10% ;
Fes – Meknes : 2.310 demandes soit 10% ;
Syriens : 5.250 demandes ;
Hommes : 56%, Femmes et enfants 44% ;
Sénégalais : 24,15% ;
Syriens : 19,2% ;
RDC : 11% ;
Cote d’Ivoire : 9% ;
Nigeria : 9% ;
Guinée Conakry : 5% ;
Cameroun : 5% ;
Mali : 4% ;
Philippines : 4% ; et,
etc.
- Deuxième phase : 2016- 2017 : - 28.400 demandes déposées
Jusqu’au 27 mars 2018, date de la dernière réunion de la commission nationale de recours, on avait 60% de demandes favorables. Il est à noter pour ce faire qu’on n’a pas encore les chiffres finaux pour cette deuxième phase de l’opération de régularisation. Mais on estime avoisiner le chiffre de 25.000 migrants régularisés pour cette seconde phase.
La Procédure de renouvellement des cartes de séjour
Le Ministère de l’Intérieur avait publié en date du 10 janvier 2017 un communiqué précisant que la validité de la carte de séjour passera à trois années "un an après la régularisation du séjour au Maroc (sauf en cas d’actes répressibles commis par les intéressés) et que "les procédures de délivrance et le renouvellement des cartes de séjour seront accélérées et simplifiées au maximum".
Mais le constat reste contradictoire avec la réalité que vivent les migrants pour renouveler leurs cartes de séjour. Ils sont confrontés à plusieurs contraintes dues à ceci :
- Exigence de contrats de bail ou attestation d’hébergement, contrat de travail ou attestation de travail ;
- Exigence des documents scolaires des migrants ;
- L’exigence des passeports à la place de cartes consulaires dans certaines provinces ;
- La difficulté de migrants de communiquer avec le personnel de certains bureaux (exemple des Anglophones).
Alors que la majorité des migrants vivent dans les quartiers défavorisés ou populaires et leurs bailleurs refusent catégoriquement de leur offrir les contrats de bail de peur de payer les redevances étatiques. Pareil pour les contrats de travail, sachant bien que 1/10ème des migrants qui travaillent pour la plupart dans le secteur informel n’ont pas de contrat de travail. Cette situation est similaire aussi pour nos frères marocains.
Difficultés rencontrée lors des opérations de régularisation
Difficulté des migrants de prouver leur existence de 5 ans au Maroc
Le refus de certaines Ambassades de délivrer les cartes consulaires à leurs ressortissants
Le refus dans certaines provinces de dossiers de déboutés du HCR
La difficulté de migrants de communiquer avec le personnel de certains bureaux (exemple des Anglophones)
La non représentation de la société civile dans beaucoup de bureaux des étrangers à l’exception de Rabat, Casablanca, Agadir et Nador
Fonctionnement et recevabilité des dossiers diffèrent d’une province à une autre
Le non respect de la durée de deux mois pour le traitement de dossiers dans certaines provinces
Le non respect de la durée de deux semaines pour l’obtention du récépissé et un mois pour la délivrance de la carte de séjour
Exigence de contrats de bail ou attestation d’hébergement, contrat de travail ou attestation de travail
Exigence des documents scolaires des migrants
Manque de bonne conduite de certains agents à l’endroit des migrants
Résultats atteints
- Nombres de mères (22) accompagnés pour l’obtention des extraits d’acte de naissance de leurs enfants après les délais
- Nombres de Migrants (12) accompagnés pour déposer plaintes contre les bailleurs
- Nombre de Migrants (103) accompagnés dans les centres de santé
- Nombre de femmes enceintes orientées vers les hôpitaux (32)
- Nombres de femmes reçue et orientées victime de traite (11)
- Nombre de Migrants mineurs (17) reçu et orientés dans les formations
- Nombre de Migrants (1323) reçu de passage dans nos chambres hébergements d’urgence
- Nombre de migrants (3233) sensibilisés dans les villes Rabat, Casablanca, Agadir,
- Nombre de kits d’hygiène et alimentaires offert aux Migrant (1223 )
- Nombre de focus group (102)
- Nombre de campagne de sensibilisations dans les forets Nador, Tanger, Tétouane contre l’immigration illégale et contre les risques des traversées en méditerranée (26)
- Nombre de médiations en conflits inter-communautaire (4)
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